L'alcool: le premier refuge de bien des gens. Jason n'y échappait pas. Depuis quelques jours, il avait le sommeil trouble, emplie de rêve, parfois marquant de par leur réalité. Il revivait le jour où il avait trouvé sa sœur, morte, il revivait la fois où il avait tué son assassin. Tuer cet homme ne lui avait pas apporté la paix, au contraire, sa haine était restée insatiable. Aujourd'hui, il buvait comme si cela pouvait l'aider à garder la tête froide, à se détendre, à changer ces images qu'il avait à l'esprit pour d'autre. Il espérait ne pas rêver ce soir, en se couchant. Rentré ivre, il ne prit même la peine de se déshabiller, il se contenta d'aller s'échouer contre son lit. Il entendit alors la bouteille de Jack tombé contre le plancher, il ferma les yeux et partit pour les limbes.

On dit qu'on ne sait jamais comment un rêve commence. Ce fut le cas de celui-là. Il se retrouvait dans un immeuble délabré classique du Uptown. Un immeuble familier, mais qu'il ne connaissait pas particulièrement non plus. Il tombait une lourde pluie dehors et même, des gouttes tombaient dans l'édifice, on entendait les gouttelettes percuter le plancher. Il était habillé en Red Hood, mais sans son arme habituel, à savoir, son pistolet. Il n'avait même pas son pied de biche avec lui, il ne portait que ses habits, assez simple. Une paire de jeans, un veston de cuir et en-dessous, son gilet rouge avec le capuchon de la même couleur, rien de bien marquant. Il portait son masque renard, celui qui ne couvre que les yeux ou à peu près, le maquillage noir autour des yeux. Une éclair traversa le ciel et vint illuminer la scène. Il distingua une ombre au loin, une ombre vers laquelle il se mit à courir, suivant son instinct. L'ombre voulu fuir, mais plus rapide, il la rattrapa et la plaqua au sol. Il retourna alors la personne pour la voir. C'était l'homme responsable de la mort de sa sœur, qui se mit à ricaner. Il n'en fallut pas plus pour que Jason se mette à battre l'homme à coups de poings, jusqu'à finir par lui défoncer le crâne à coups de pied. Essoufflé, il respirait doucement et observait le cadavre, le sang qui se répandait. Il avala un peu de travers et eut un regard autour de lui. Il avait l'impression qu'on l'observait et il n'aimait pas cela.

Quelque chose d'étrange était en train de se produire. Il était dans un rêve, Jason en avait conscience, mais les rêves confondent souvent la réalité et la barrière semble parfois bien mince. C'est ainsi que lorsqu'une voix d’outre-tombe s'adresse à lui, le jeune homme sursaute légèrement et à le réflexe d'observer tout autour de lui pour tenter de discerner la personne, mais il n'y avait aucun signe de silhouette ou de présence humaine. Cette voix était-elle le fruit de son imagination? Plus tordu encore, de sa conscience? Il dut se résigner à écouter pour tenter de comprendre davantage.

L'homme parlait en l'appelant Red Hood et disait être là en ami. Les amis cachent rarement leur présence, mais le jeune homme continuait d'écouter. C'est que l'homme en question en avait long à dire et beaucoup de ces propos animaient des questions chez Red Hood. Comme lui, il savait ce que disait les journaux à son sujet, les journalistes semblaient avoir fait de leur gagne-pain certains de ses exploits. Il devait se montrer encore plus discret que d'habitude, puisque maintenant qu'il attirait l'attention des journalistes, il allait vite attirer l'attention de la police. De se savoir observé par des étrangers en prime n'arrangeait pas les choses.

De toute façon, comme l'inconnu le dit si bien, Jason est devenu dépendant de son alter-ego, le Red Hood. Quand la nuit vient, la plupart du temps, il ne s'imagine que faire une chose, traquer des bandits et quand il n'a pas une cible particulière en tête, il laisse le hasard en décider. Quand l'homme dit que sa rage pourrait le consumer, Jason avala un peu de travers, devant avouer que par moment, il avait cette impression aussi, il avait même l'impression qu'il était peut-être déjà trop tard pour lui. On lui offrait de l'aide... quoi, une thérapie? Une sorte d'apprentissage de contrôle de sa colère? Disons que l'idée suscita chez lui un sourire amusé. Il était un peu trop loin dans le processus pour revenir à cette étape. Sauf que cette voix semblait offrir davantage qu'une thérapie.

Si Red Hood était seul dans son entreprise d'éternelle vengeance, il y avait des raisons à cela. D'abord, il acceptait mal toute hiérarchie en règle générale et ensuite, il entendait mener cette mission personnelle à sa façon et sans rendre de compte à quiconque. Son déficit de moyen, il avait réussi à le compenser jusque là par son intelligence, son instinct de survie et sa détermination. Comme tous bons criminels, il était convaincu qu'il ne se ferait pas prendre parce que lui était plus malin que les autres. La voix continuait, parlait de le former. C'était quoi? Les brigades rouges? Puis, des propos quasi-prophétiques furent tenues sur l'avenir de la ville et l'ange vengeur qu'il pourrait être. Le jeune homme secoua la tête. Tout cela semblait trop gros, trop... irréel. Il ne se voyait pas tel un ange vengeur, il était seulement un homme masqué avec la rage au cœur et la haine à l'esprit. Il était fait de chair et de sang, il était comme tout le monde, mais il avait fait des choix différents du reste du monde. Il eut donc un léger rictus en entendant qu'il pourrait être «l'éternel flamme rouge de la vengeance». Il se voyait beaucoup plus modeste.

Un nouveau coup de tonnerre et il eut l'impression de distinguer plusieurs silhouettes. C'était tout de même légèrement angoissant même si, avec son sang froid habituel, il n'en laissait rien paraître. L'homme se comparait maintenant au diable en personne. Jason pour sa part ne croit ni en dieu, ni au diable, dans les faits, ces questions lui importent bien peu. Il est probablement agnostique, bien que sur son certificat, il soit écrit qu'il est protestant.

Une nouvelle éclair et il distingue enfin une silhouette d'une certaine grandeur, mais il était lui-même assez grand, environ 1m80. Red Hood se rapproche donc de la silhouette, plus ou moins sur ses gardes, il essayait surtout d'un peu mieux la distinguer et s'arrêta à quelques pas de cette dernière.

-Qui êtes vous?

Red Hood était un homme qui aimait le concret, un être d'un pragmatisme sans borne. C'est souvent ainsi quand on a vécu dans la pauvreté, qu'on a affronté la dure réalité de la vie tous les jours, qu'on a passé une bonne partie de sa vie à avoir faim. On ne soucie pas tellement des questions philosophiques du genre "être ou ne pas être". Cette personne qui s'adressait à lui, avant de poursuivre plus loin dans la conversation, il voulait savoir qui elle était.

Ce n'est pas le diable qui sortit des ténèbres, mais bien un homme, assez âgé et tout de noir vêtu, mais assez bien, un homme riche probablement, du moins, il en donnait l'apparence, mais en dehors de cela, quelque chose clochait, cet homme était "différent", mais Red Hood n'aurait su dire en quoi. D'ailleurs, rien que le nom qu'il entend lui met la puce à l'oreille. Ce nom lui semblait familier, mais vaguement, peut-être qu'il se trompait d'ailleurs et qu'il ne connaissait pas ce nom.

Les choses devenaient sérieuses cette fois et il vivait le rêve le plus étrange qu'il ait jamais fait de sa jeune vie. Il entendait maintenant parler de Ligue des Ombres et d'armée secrète. Une armée contre quoi? Ou qui? C'était de plus en plus étrange. Red Hood se répétait que tout cela ne pouvait qu'être un rêve, tandis qu'il apprenait comment contacter cette organisation qui, pour lui, sonnait comme une autre organisation criminelle, comme les Triades peut-être, ou plus inquiétant encore, un groupe terroriste. N'empêche, il retint la Montagne Blanche et même si Red Hood est un homme discret, il demeure tout de même un être humain curieux un minimum et puis, si ce que disait cet homme était vrai? Et si on pouvait lui donner plus de moyen? Il refuserait de rejoindre une quelconque organisation, mais avoir leur aide? En même temps, il ne savait pas trop à qui il avait à faire.

Le jeune homme eut un mouvement de recul lorsque la silhouette de l'homme disparut dans les ténèbres comme pour fusionner avec les ombres autour de lui. Il ne restait que le regard, ce regard noir et inquiétant, qui parvint à terrifier Red Hood jusqu'à un certain point, une sorte de peur infantile, mais il confrontait sa peur et se tenait debout, il ne courbait pas l'échine. Un dernier éclair et il se retrouve à nouveau seul, avec le silence. L'homme, ainsi que le cadavre avait disparu, il était seul, avec lui-même. Il observa autour, puis adressa ces mots au ciel, comme si la voix de tout à l'heure pouvait l'entendre:

-J'ignore si je deviens fou ou si vous existez vraiment, mais je découvrirai le fin fond de cette folie. Je saurai la vérité sur vous, Ra's al Gul et quand je le saurai, nous verrons si je vous ferai subir le même sort qu'aux autres ou si nous arriverons à nous entendre.

Si Jason se réveille ensuite, sans doute avec un mal de crâne et une gueule de bois typique. Il se fera un petit café, ira prendre l'air un peu, prendra une douche, ira courir, mais les paroles de cet homme resterons à son esprit, les événements de son rêve aussi. Incapable de les enlever de sa tête, il grommellera une fois rentrer à son appartement et se résignera à aller voir sur internet toutes les informations qu'il peut trouver sur cette Ligue des Ombres, Ra's Al Gul et etc.. Puis, il ira voir l'adresse de ce fameux club de la Montagne Blanche et restera même étonné de découvrir que cet endroit existe réellement, ce qui le laissera sceptique, un brin inquiet, mais qui animera encore davantage sa curiosité.