Parfois j’arrive à être une vraie femme. C’est rare, très rare, mais ça arrive. Dans le fond, je deviens comme telle les jours pluvieux où je n’ai rien à faire. Ce matin, la pluie frappait sur mon velux, Chat dormait en boule du pied du lit et moi, je n’avais rien de prévu. Pas de taf au bar, pas de contrat perso’ ni d’exécutions à concrétiser pour Alvarez. Un vendredi comme je les aime, pour moi. Plus le temps passe à Gotham mois je ressens d’émotions concrètes. Mon quotidien se résume à prendre la moto, servir des verres, manger un peu, tuer des gens. Je n’ai jamais eu autant de sang sur les mains et le pire c’est que je le vis bien. Ce travail me ronge mais les quelques amis que j’ai me gardent hors de la noyade. Dire que j’ai faillis refroidir Aaron l’autre soir … Cette soirée m’a un peu remis les idées en place je dois bien l’avouer, c’est pour ça qu’aujourd’hui, je traine dans le bain. Musique africaine, wrap poulet, lumière tamisée, ça fait plus d’une heure que je fais réchauffer mon eau tellement je suis bien dedans. Même l’épilation de maillot ne m’a pas arraché une seule grimace. Dans le fond, j’ai passé la journée en culotte, errant dans l’appartement un bol de chips à la main, à avaler tout ce qui me passait à portée de main devant une saison entière de Nip / Tuck. Je n’ai pas regardé l’heure une seule fois, mais la nuit commence à tomber sur Gotham. Je ne suis pas sortie une seule fois de mon appartement depuis que j’ai ouvert les yeux, et je le vis bien.

La chaleur du bain a déjà bien fripé mes doigts mais je suis bien. Détendue. Chaude. Lentement je glisse mon visage sous l’eau tandis que mes mains caressent mes cuisses. Dans cette bulle de chaleur et de douceur, mon bas ventre se contracte naturellement. D’un bond je sors la tête de l’eau en prenant une grande inspiration. Du bout de mes doigts humide j’attrape mon portable et ouvre l’appareil photo. Sourire en coin, je prends un selfie coquin de mon corps baignant dans l’eau. C’est rare que je fasse ça, mais le destinataire est habitué. John Blake. Je joins rapidement un petit message à la photo avant de l’envoyer  « 21h, superball ? » Si mes souvenirs sont bons, y’a un match de qualification ce soir .. et bon dieu qu’est ce que j’ai envie de baiser. Est-ce qu’il va venir ? Evidemment. Depuis quatre ans on se côtoie, on baise et on passe un peu de temps ensemble. Jamais ça ne partira plus loin et c’est bien ainsi. Après tout, c’est un flic, un pote à Jim et proche du FBI. Pas bon de trop le laisser entrer dans ma vie, puis même, j’ai pas de place pour les sentiments.

Emoustillée par cet élan de désir, je sors de l’eau et me sèche rapidement. Nue, je traverse mon appartement en direction du placard à alcool. Je fourre un pack de bière au congélo et met une pizza au four. Il est 20h20. Même si c’est de l’improviste, John viendra. Et s’il ne vient pas, j’me prendrai seule sur le canapé après avoir mangé la pizza devant le match. Chat glisse entre mes pieds. Je l’ai pas nourrit depuis que je suis levée, le pauvre doit avoir les crocs. Comme d’habitude ! Je lui verse rapidement des croquettes puis retourne vers ma chambre. C’est la seule pièce de mon appartement rangée puisque je n’y suis quasiment jamais. Ce soir, je compte bien y passer du bon temps alors je tire les rideaux et défait les couvertures. En m’habillant, je monte le son de la sono et change de playlist au profit d’un rock suave et oppressant. Cette musique booste ma libido, déjà bien active.

She's gnawing on the ropes
She's pulling at the hooks
She's so coy...
Oh, you know she wants it
The way that she taunts me
Damn, she's so coy...

Je chante par-dessus le tic tac du minuteur, aucun message pour confirmer que Johnny va bien venir. Je m’en fou, il viendra. Et il sera pile à l’heure, comme toujours. C’est un flic, il est ponctuel. En même temps qu’une danse lacive j’enfile un top sans soutien-gorge et une petite culotte en dentelle. Histoire de pouvoir voir le match en entier, j’ajoute un short en jean à ma tenue. Le four sonne, j’allume la télé, le match commence tout juste.

Un simple sms permet avec une facilité déconcertante de changer le cours d’une soirée monotone. Je souris distraitement à l’idée de me faire tringler par mon plan cul préféré. Et pourtant Dieu sait que j’en ai eu, mais lui … pour que je le garde sur le long terme, faut bien qu’il ait un truc en plus. Dans le fond, je crois que j’aime bien lui parler et l’écouter. Au fil des années notre relation a évoluée. D’abord flic / boulet puis serveuse / plan cul et aujourd’hui sex friends, parce que oui friendship il y a. De là a lui faire confiance, lui parler du moi version tueuse menteuse, non. Mais si j’avais rencontré John à Londres, quand j’étais encore modèle et graphiste … ça aurait été autrement. Un réel ami quoi. Mais mon manque d’émotions humaines fait que dans ma vie actuelle, j’aime par-dessus tout lui ouvrir la porte à demie nue et sentir son désir pénétrer mon appartement comme un mistral.

« Pile à l’heure John » dis-je en tendant la joue. Comme toujours, on ne se fait pas vraiment la bise, mais on ne s’embrasse pas non plus. C’est la règle après tout, pas de baiser en dehors de moments de sexe. Ses mains froides sur mes hanches provoquent un long frisson qui s’étend de mes fesses à mes épaules. « Il fait super froid dehors mais je constate que tu es toujours aussi chaude de ton côté Zoë… Et au vu de ta tenue j’en conclus que tu as très faim ce soir… » Je m’éloigne avec un sourire coquin sur le visage, l’invitant à entrer dans mon entre. L’odeur de la pizza embaume la pièce, mon estomac gargouille. Depuis le bar de la cuisine, je l’observe sous mes cils retirer sa veste et se mettre à l’aise. Il fait toujours ça et ça le rend atrocement sexy. « J’ai toujours très, très faim tu sais … » avouai-je en apportant la pizza sur la table basse du salon. Avec un air entendu, je m’installe sur le canapé et lui intime de me rejoindre. « Prête pour le match ? J’espère que ça ira jusqu’aux prolongations, je ne travaille pas demain matin… » Je lui souris encore, mais je sais que le faciès que j’arbore veut dire quelque chose. Un truc genre *chouette on va pouvoir baiser toute la nuit et recommencer à midi*

Devant nous, la voix du commentateur stressé du Superball envahis la pièce. Le match est déjà bien lancé, c’est visiblement chaud sur le terrain et je commence à me mettre dans l’ambiance. Avachie sur le canapé, je mange à pleine bouche mes pointes de pizza au fromage et au peppéroni tout en criant aux joueurs de courir plus vite ou faire la passe. John est dans le même délire que moi et l’ambiance à l’appartement n’est pas calme du tout. Jusqu’à ce que la mi-temps soit sonné, nous étions fous devant l’écran, à moitié debout et assis, bouche ouverte et croute de pizza sur la table. « Putain de Giants de merde ! Ils vont latter les Seahawks sans leur laisser la moindre chance ! » Je m’assieds en tailleur face à John l’air contrarié. Je suis fan des Seahawks depuis que je suis arrivée aux States, et les voir perdre comme ça, ça me fou les boules. Je me lève d’une traite et ouvre le frigo sans délicatesse. « Blanche ou ambrée, la bière ? » Buvons un peu, même si je n’ai absolument pas besoin de bulle pour savoir que je veux très vite déshabiller mon camarade ce soir.