Ishtar fit craquer sa nuque, enlevant une pression dans le haut de son dos. Ah oui, un putain de verre pour fêter sa survie du jour. Parce que là, s’il ne méritait pas une médaille, il y aurait tout de même la satisfaction personnelle d’avoir passé une journée tellement différente de ses chasses habituelles dans Crime Alley. Le taux d’adrénaline qu’il avait ressenti aujourd’hui ainsi que celui de désespoir n’avait pas été aussi élevé depuis… depuis un jour dont il ne voulait pas se souvenir et qu’il se força à rejeter dans un coin de sa mémoire. Une fois qu’il serait sorti de ce bâtiment délabrer, il informerait un de ses supérieurs de ce qu’il avait vu, en omettant quelques détails – comme la raison d’un Tony éclaté au sol. Ce serait un bon moyen de se servir de ce qu’il s’était passé avec sa gamine pour faire un coup monté à ces quelques mafieux. A cette pensée, il fut heureux d’avoir enlevé une partie de ses empreintes dans cette maison. Ishtar ne cracherait jamais sur une occasion de mettre quelques bandits derrière les barreaux, même si ce n’était pas une des plus honnêtes et raisonnables qu’il soit.

Le flic se gratta distraitement le menton, alors que la gamine tournait toujours. Elle s’arrête jamais d’être tendue comme une corde ? C’était surement le prix à payer pour survivre ici. Et Ishtar, même s’il donnait l’impression d’être parfaitement détendu gardait tout de même une oreille sur ce qu’il se passait dans la rue, jetant des coups d’œil vers le morceau de porte qui servait d’entrée. « Charmant personnage, je reconnais bien là le style des mafieux … sans foi ni loi … » Ishtar tourna sa tête vers la gamine, haussa un sourcil perplexe. « Parce que tu n’en fais pas partie ? » Le ton était légèrement cynique, parce qu’Ishtar sans cynisme, c’était comme cette gamine sans ses piercings : on les reconnaissait pas. Ce qu’ils avaient fait à deux, il y a moins de dix minutes n’entrait ni dans la catégorie de la foi, ni de la loi – pour ça, Ishtar était bien placé pour le dire, puisqu’il y avait une petite étoile dans sa poche intérieure qui lui rappelait à l’occasion pour qui il travaillait. Ca laissait à réfléchir de quel côté Ishtar se trouvait. Il était un flic avec une notion floue de la justice et de ce genre de boniments que ses parents lui avaient servis une grande partie de son adolescence, et que certains s’amusaient à rappeler à la télévision, de temps en temps. Ca devait pas fonctionner des masses, puisque Gotham vivait avec une chauve-souris au-dessus de sa tête.

Ce qui était bien avec la mafia et tous ces trucs louche, c’est qu’une fois qu’on était dedans, il était difficile d’en sortir. La gamine qui faisait les cent pas le lui rappelait facilement. Les gens ont toujours quelque chose à perdre. Si ce n’est ni matériel, ni familial, la vie représente une valeur suffisante pour être un moyen de menace. Ishtar, il s’en était sorti, grâce à son boulot, qui d’une manière ou d’une autre devait le protéger. Il y avait eu aussi cette colère, sourde, qui faisait qu’il détruisait n’importe quel idiot qui venait se mettre en travers de son chemin. Ishtar avait eu de la chance. Quelque part, c’était toujours relié à ça. Toujours. « Si seulement c’était aussi simple … Je vis dans le coin, je bosse dans le coin aussi et si demain mon boss veut que j’y retourne, je n’aurais pas le choix d’obéir … » Cette gamine était née sous une mauvaise étoile, Ishtar avait cette impression. Oh, peut-être lui aurait-il proposé de la prendre sous son aile. Il avait les moyens de l’aider à sortir de Crime Alley et de la taper ailleurs, voir même ailleurs que Gotham. Mais Ishtar ne faisait pas dans l’œuvre caritative. Et même s’il appréciait un peu –mais juste un peu- cette gamine, ce n’était pas assez pour qu’il lui propose son aide. Avec les années, le flic grognon qu’il était, avait appris à se détacher de nombreuses choses, surtout des gamines qu’il croisait en train de s’acharner sur une fenêtre. Ishtar haussa les épaules, sans avoir de solution à proposer à la noiraude. Enfin, si, il en avait. Mais il ne lui en ferait pas part.

Parce que voilà. Ce n’était pas le genre d’Ishtar de s’inquiéter pour ce genre d’individu. Même si, quelque part, l’envie y était. Il y avait aussi cette méfiance de s’attacher à quelqu’un. Surtout si la personne en question risquait de se retrouver avec une balle entre les deux yeux le lendemain. Ishtar releva les yeux de son point d’observation, détaillant la gamine pendant qu’elle lui parlait. « Il y a un squatte à quelques pas d’ici, une usine désinfectée au milieu de pleins d’autres … C’est là bas que tu as de forte chance de trouver ton gars. Je ne le connais pas personnellement, mais c’est là bas que tous le monde traîne, idéal pour un type en cavale ou un type qui doit de la tune à d’autres … » Ah, ce bon vieux Barney. Il allait souffrir, le pauvre. Quoique. Ishtar serait presque aimable avec ce type. Enfin, maintenant qu’il avait une information qui semblait être plus ou moins valable, il hocha la tête, enregistrant ce que lui avait dit la gamine. Ishtar voyait de quel endroit elle parlait. Il s’y rendrait rapidement une fois la zone plus calme.

Un mouvement attira son attention à l’extérieur et il remarqua les mêmes mafieux qu’ils avaient quitté, peu de temps auparavant. Ils couraient, les abrutis. Et ils passèrent devant le bâtiment délabré comme s’il n’existait pas. Un mince sourire de satisfaction se dessina sur les lèvres du flic alors qu’il se décollait du mur sale et qu’il se rendait vers la porte, jetant un coup d’œil vers l’extérieur. « Je pense que c’est bon. » De loin, il vit l’un des mafieux tourné dans une direction au hasard. La voiture du boss n’était plus là et il doutait qu’il ne tarde à revenir. « Tu ferais mieux d’en profiter pour filer maintenant. Ils vont surement revenir avec d’autres gars, ne serait-ce que pour s’occuper de Tony. » C’était la meilleure chance pour s’en sortir indemne. Passer entre les mailles du filet. Ishtar ne doutait pas que sa gamine était douée là-dedans. Lui, il se contenterait de partir un peu après elle. Après tout, ces mafieux de seconde zone devaient chercher un couple, pas des personnes seules.